Parait-il que les décisions de l’ordre de l’être sont les clés du démarrage du moteur de la création. Mon être, lui, raisonnait à l’idée de photographier le coeur de notre galaxie se déplaçant au-dessus des écrins. Et pour cela, certains indicateurs me donnait une date où les astres s’alignent. Alignant les outils numériques à ma disposition, le seul endroit où la Voie lactée pouvait apparaître au-dessus de la barre, c’était depuis les pentes de la Roche Faurio. J’avais repéré sur la carte la possibilité de poser le bivouac sur une épaule à 3550m au plus proche de la Face Nord des Ecrins. Maintenant le plan posé, il faut passer à la pratique, j’éloigne l’idée de partir seul dans cet environnement glaciaire. Olivier, mon compagnon local et aspirant guide me parait la personne idéale et qui à ma grande surprise accepta avec plaisir cette idée purement photographique. En effet peu de monde irait dormir à cet endroit si ce n’est pour en ressentir les émotions et figer ces instants. Le tribu à payer est de porter un sac lourd sur un long dénivelé.
1er jour – Lundi 24 avril 2024
Pelvoux - Roche Faurio – 20 kms – 2500 D+ 200D- (dont 8 kms - 500m D+ en vélo)
En mode mobilité douce, nous pensions pouvoir rejoindre au plus prêt le pré de Mme Carles, puis, on attaque la montée chargés de nos sacs de 20kgs chacun pour plus de 1800m de dénivelé afin d arriver au spot voulu, nous serons adepte du « slow and heavy » après la mode du « fast and light ».
Arrivés au pré où nous pensions prendre un petit-déjeuner maison je m aperçois que j ai oublié le mien chez moi, ce qui me met un petit coup au moral. Erreur bien rattrapée avec une pause méritée au refuge du glacier blanc juste avant midi pour se restaurer avec une omelette gargantuesque et une salade de chèvre qui fait du bien.
Nous continuons notre périple, direction Roche Faurio, notre progression est lente sur sur long, très long glacier blanc. Tant bien qu’au 1er tiers, Olivier décide pour changer la routine de tirer son sac. Une technique apprise à la formation de Guide grâce aux moyens du bord. Le dos de sa pelle à neige fixé sur le haut de son sac positionné à même la neige, bretelles à l’envers et le tout tiré par son baudrier fixé à l’envers. . Ça fonctionne assez bien sur le plat glissant sans aspérités et neige fraîche. Malgré le poids qui est toujours aussi lourd, ça a le mérite de changer la routine.
Le temps est bâché autour de nous, les personnes croisées nous préviennent qu’il y a beaucoup beaucoup de vent là-haut et on ne voit rien à partir de 3500m. On décide quand même de monter à notre emplacement de bivouac en espérant que le ciel se dégage juste avant le coucher du soleil. L’arrivée se fait dans la brume, le temps d’installer le camp, les trous à neige, nous entamons le sommet de la roche faurio sac léger se disant que le temps s’améliorera une fois au sommet. Cela ne sera pas le cas, grosse déception remontée d’une ambiance austère sur une arête entourée d’une brume épaisse et balayée par des vents glaciaux. 1er moment fort de l’aventure. Nous redescendons au bivouac à 20h pour se restaurer et se mettre au chaud dans nos duvets. Pas de lueurs du crépuscule, je prie pour que le ciel se dégage dans la nuit.
Après m’être bien refroidi mais bien content d’avoir vécu ce moment, je pars me recoucher pour quelques heures de plus. 2ème et dernier réveil, 4h, celui là pour vivre ce que j avais imaginé, le cour de notre galaxie - La Voie lactée est bien au dessus des écrins avec comme cerise sur le gâteau, Antares de la constellation du scorpion qui vient surmonter la barre. Je suis ravi . Maintenant, il va falloir gérer les onglets répétitifs, les vagues de morsure du froid de la nuit et la fatigue accumulée de ce 1er jour et 1ère nuit.
Le 2eme jour. L’idée s’oriente autour de la découverte des vallées et de ces cols pour y accèder. Le Tour de la Roche Faurio par trois cols devient une évidence.
Nous débutons donc par une descente sur des pentes gelées mais plutôt agréable à la perspective de déposer notre matériel de bivouac notre bivouac dans un trou sur l immense glacier blanc.
Très important, nous pensons à faire un cairn de neige pour le retrouver facilement et cela malgré le point GPS enregistré qui n’est pas d’une précision au mètre. On se fait littéralement chahuter par des rafales à plus de 80km/h, des doutes s installent sur la suite du programme et la seconde nuit à venir. On décide de suivre le tour prévu celui de la roche Faurio. Montée au col éponyme sac plus léger, le rythme est de tout de même lent et difficile, le manque de sommeil réparateur, la lutte contre le froid et la journée d’hier ont puisés dans nos réserves. Arrivés au col, le vent est de plus en plus faible, beaucoup moins fort que ce que nous avions imaginé. L’espoir revient. Le couloir est raide et étroit surtout sur les 150 premiers mètres, la décision est vite prise de descendre en crampons piolet pour voir la suite. Suite que nous skierons sur 800m de dénivelé, ce qui signifie que nous n’avons plus le choix, on est parti pour le long tour prévu et ces 3 cols. Au passage, les cols au pays du glacier blanc sont tous raides et aucun ne se fait skis au pied si on souhaite basculer de l’autre côté.
Nous voici sur le glacier de la plate des agneaux, un long glacier qui nous fait penser à celui du glacier noir avec une énorme moraine en rive gauche et des faces raides et austères en nord. 2ème montée direction la brèche de la somme, 400m à 50 degrés, le grip est bon en crampons mais ce couloir nous semble une éternité, nos corps n’ont pas autant appréciés la nuit à la belle étoile que notre esprit. Arrivée à la brèche, la vue sur la face nord ouest des écrins est majestueuse, une myriades de pointes rocheuses très verticales avec au centre le long couloir de 700m de la voie Mayer Dibona. Voie envisagée en théorie pour le lendemain par Olivier. Sans se le dire, nous savons que ce ne sera pas pour cette fois-ci. Trop engagé avec le froid prévu et notre état physique. Nous redescendons au soleil à l’approche du col des écrins, le soleil qui ne gagnera pas la bataille du vent glacial qui lézarde dans les écrins depuis hier.
Nous remontons difficilement ce col où des marches sont plus que salutaires et la corde fixe accessible sur le haut. 17h - Le vent forci et l’air de plus en plus glacial, la décision est prise de laisser les affaires de bivouac dans leur trou et de se réfugier au refuge des Écrins.
En voilà un bon usage de ces habitat de montagne, la chaleur et la protection qu’offrent ces habitats Alpins prennent tout leur sens, ce refuge est un véritable soulagement pour nous. Réchauffer nos corps et surtout fuir cette 2ème nuit à la belle étoile où le vent est plus violent et plus glacial qu’hier, un ressenti proche des -30 degres avec de la neige en faible quantité prévue dans la nuit et un ciel couvert en plus. Bien que plein, le gardien nous accueille et nous régale avec sa soupe bien chaude nous réservant une table collée au poêle qui carbure et réchauffe progressivement nos corps fatigués.
Olivier envisageait dès le départ la voie Mayer Dibona en face Nord Ouest des Ecrins qui débouche aux Dômes. Une voix rarement en condition qui nécessite un bon enneigement. Et aussi une bonne forme physique. Plan théorique abandonné pour cette fois, il y reviendra une semaine après notre Raid avec succès.
La messe du gardien annonçant les conditions météo du lendemain confirme le froid et le vent avec un iso 0°C à 1200m pour un 17 avril. Nous voilà de retour en hiver. La voie Mayer Dibona envisageait depuis le départ part Olivier est abandonnée (voie qu’il réalisera une semaine plus tard dans de bonnes conditions). Nous décidons de tenter le dôme des écrins, une grande classique mais ni moi ni olivier ne l’avons réalisé en ski. À voir si le vent sera clément pour cette montée hivernale qui nous laisse au moins le bénéfice de faire une grasse matinée jusqu’a 6h.
Au lever, point de soleil à horizon, juste la brume et le vent glacial. Les cordées se préparent en direction de la Mecque des Écrins. Questionnement de notre côté, aller s’exposer sous des seracs, c est déjà limite quand il y a de la visibilité, mais sans celle la, pourquoi hormis pour la croix. Il faut avoir foi en l’éclaircie divine en ce début de journée.
Nous en déciderons autrement. Nous voilà parti en direction du couloir de roche paillon. Sommes nous bénis car à l’approche de ce magnifique couloir qui domine le refuge, le soleil nous éclaire laissant encore la face nord des écrins dans la purée de pois.
Le couloir est bien plus raide et long qu’il ne le laissait présager. L ambiance est au rendez vous et la vue sur le dôme est exquise. Ah oui, entre temps, la brume s est dissipée et la face nord des écrins nous est apparue dans un enchantement de beauté. Ce qui au passage a rajouté une couche supplémentaire de ma présence dans cette ligne de mixte alors que nous pourrions être en train de monter au dôme vierge de traces.
Du col, la confiance rétablie nous montons au sommet de roche paillon par l’arête et une nouvelle idée traverse les esprits. Et si nous pouvions rejoindre la pente de neige suspendue de la roche Hippolyte pic, on pourrait récupérer notre bivouac par gravité d’une façon aérienne et peu banale. La décision d’aller voir par l’arête est prise. Le succès est proche quand olivier s’extasie au détour d’un passage en traversée sous l’arête, en découvrant un couloir de neige qui débouche sur cette pente de neige suspendue. Ni une ni deux, nous nous empressons de maniper pour traverser cette pente. Heureusement que l’air est glacial car ces pentes sont plein Sud et bien exposées avec les barres rocheuses en aval.
Un cheminement est trouvé ensuite pour rejoindre le cirque du col de la Roche Faurio. La boucle est bouclée. Et la magie continue nous amenant par gravité retrouver notre bivouac. Fort heureusement, j’avais fait un cairn de neige hier. Sans celui là, notre point gps nous aurait indiqué des coordonnés à 10m près, et avec la neige de la nuit et le vent qui a décapée toute trace, cela aurait bien d fastidieux.
Le col de la Grand Sagne est le dernier col de ce Raid où l’adaptation fut le maître mot. 300m de dénivelé et nous voilà à 15h30 en haut d’un couloir de 800m. Un retour idéal sur le pré de Mme Carle qui fait économiser la fastidieuse descente sous le refuge du glacier blanc.
Avec le froid et le vent glacial, le couloir est encore en conditions malgré l’horaire. Méfiât juste de certaines énormes gueules de baleines qui ne demandent qu’à se décharger sur nous.
Quelle fut notre surprise quand de retour au pré, la route fut déneigée par le département pendant notre séjour et cela jusqu’à parking de printemps. Dernier portage pour rejoindre nos deux montures et se laisser rouler jusqu’à la maison encore une fois le sourire aux lèvres gelées et des yeux qui laisseraient couler une larme des merveilleux souvenirs vécus en haute altitude.
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